Comme souvent ces derniers temps, je faisais toujours le même rêve. Celui de ressasser le jour de l'An. Celui qui me faisait me réveiller en sursaut sur les coups de 4h du matin, tout transpirant et qui me laissait un gout amer et frustrant sur les lèvres. C’était comme si je ressentais encore et encore les mains de Sebastian sur moi, le gout de ses lèvres et me faisait devenir totalement fou. Fou de rage contre moi ou fou de lui, je n’arrivais pas encore vraiment à faire la distinction, mais tout ce que je savais, c'est qu’il hantait mes pensées et mes rêves la nuit, me laissant dans des draps trempés de sueurs froides et qui me faisait cogiter encore et encore. Après une heure à tourner en rond dans mon lit sans parvenir à trouver le sommeil, je me suis finalement levé et habillé pour aller faire un jogging.

L’idée de courir de bonne heure le matin me tentait bien et je songeais à ce que cela me permette aussi de me remettre les idées en place. Les écouteurs coincés dans mes oreilles, la musique à fond, je me suis alors mis en tête de ne penser à rien alors que je courais dans les rues de Brooklyn. La ville se réveillait tranquillement au rythme des journées de la semaine. Personnellement, je ne travaillais pas avant ce soir, donc j’avais encore un peu de temps devant moi. La logique aurait voulu que je me repose, mais c’était tout simplement impossible de me reposer quand je me réveillais toutes les nuits en voyant son visage sur le mien, ses mains sur mon corps, son regard désireux d’en avoir plus. Son soupir lorsqu’il prononçait mon prénom me revenait en mémoire alors que je traversais la rue sans vraiment faire attention, évitant de justesse un cycliste que je n’avais tout simplement pas vu. Comme quoi être pompier et être sur le qui-vive ne signifiait rien lorsque je suis en simple civil en train de faire mon jogging. Je pouvais avoir n’importe quel accident comme tout le monde.

Reprenant mon souffle une fois à nouveau sur le trottoir, j’entendais la voix de Sebastian dans ma tête qui me soufflait de faire attention à moi pour revenir auprès de lui. Mais putain, je me faisais des illusions, il ne voulait pas de moi, ce n'était pas possible. Et puis il est hétéro, comme moi, je le suis… Enfin les hommes ne me plaisent pas… Seulement un seul hante mon esprit, comme s’il prenait toute la place dans mon cœur. Comment c’était possible ce genre de choses…  

Secouant la tête, je remettais mon écouteur en place pour reprendre la direction de la maison et prendre mon petit déjeuner comme il se doit. Je me demande alors si Riri est réveillée, sachant qu’elle a travaillé tard. Dans le pire des cas, je lui préparerais un petit déjeuner digne de ce nom pour l’aider – et m’aider au passage – à affronter la journée. En arrivant sur le perron de la maison, je retire les écouteurs et attends la voix de ma petite sœur.

Tori – ou plutôt Riri comme Seb et moi, on l’appelle – est un amour de petite sœur. Je suis son tuteur et ainsi, je me dois d’être un peu plus responsable pour elle, mais je n’ai jamais été un parent pour elle, j’ai toujours conservé ma place de grand frère protecteur et de confident – même si elle se confie moins à moi maintenant. Nous avions un père que nous avons renié et nous avions une mère que nous avons perdue, il est inutile de prendre la place de quelqu’un, alors, je suis simplement resté moi-même avec elle, avec les p’tits conseils, éducations seulement lorsque cela était nécessaire.

C’est alors le sourire aux lèvres et que j’entre dans la salle principale de la maison qui regroupe le salon, le coin repas et la cuisine. Je regarde ma sœur de profil qui pianote sur son téléphone, assise sur l’îlot central en face la machine à café. Rapidement, je me penche pour lui faire un bisou sur la joue avant de voir qu’elle m’a fait couler un café :

« Rohhh toi… tu sais que je t’aime. »

Je m’empare de la tasse et le sent avant d'en prendre une première gorgée tout en m'installant à mon tour en face d’elle et à côté de la machine sur le comptoir de la cuisine. Je reprends une autre gorgée avant de l’observer avec attention :

« Tu t’es levée de bonne heure ? Je pensais que tu allais profiter comme tu as bossé cette nuit… Tu veux que je te prépare un petit déj’ ? Des œufs, du bacon ou quelque chose ? »

Le jogging aurait pu me faire le plus grand bien et à la vérité cela m’a fait du bien malgré tout mais je n’arrive pas à me sortir Sebastian de l’esprit. Nos baisers me hantent tout comme les étreintes que nous avons échangées lorsqu’il est resté près de moi et même qu’il m’a veillé la nuit après mon accident. Je sais que Tori n’est au courant de rien, j’ai réussi à mettre cela sur le coup d’une migraine récalcitrante qui ne me laissait pas tranquille. Et puis Sebastian a été assez discret à ma demande. Ce qui fait que même mon léger arrêt maladie de quelques jours est passé inaperçu. Et pourtant, je savais bien qu’il s’inquiétait avec les messages qu’il m’envoyait lorsqu’il ne dormait pas à la maison.

D’ailleurs j’avais le droit à mon p’tit message tous les soirs et tous les matins même si je dois avouer que m’endormir près de lui et me réveiller près de lui a été à la fois étrange mais aussi terriblement plaisant. La faute peut-être à l’accident et la commotion qui m’ont fait un peu planés et être plus à même de réclamer de l’attention qu’il m’a accordé. Je sais que c’est moi qui aie demandé la plupart des câlins et aussi qu’il reste près de moi en prétextant que j’avais besoin de lui et qu’il n’allait certainement pas veiller sur une chaise à me regarder lorsqu’il pouvait dormir à mes côtés. Peut-être notre relation a-t-elle pris un tournant un peu différent et pourtant j’ai l’impression d’agir exactement de la même manière, même en constatant que je le regarde plus et que je prends conscience qu’il occupe mes pensées et tout mon esprit.

En arrivant devant la maison, je constate que j’ai reçu un premier message de sa part, me demandant comment je vais. J’y réponds aussitôt tout en rentrant dans la maison. Puis mon attention s’accorde vers ma petite sœur. Celle que je couve depuis qu’elle est toute petite et encore plus depuis la mort de notre mère, faisant de moi son tuteur légal. Elle a préparé le café, se doutant certainement que je n’allais pas tarder à arriver. Je l’embrasse sur la joue en la remerciant gracieusement et en souriant. Je bois une gorgée et sens mon téléphone dans ma main qui vibre. Je discute avec Tori en regardant qui m’écrit. Je souris à la réponse de Seb qui me demande si j’ai besoin de quelque chose. Je serai tenté de répondre lui, ses bras, son odeur, ses lèvres. Mais putain, je me retiens et propose à Tori à la place de préparer un vrai petit déjeuné comme il se doit. Elle accepte et je souris à sa réponse. Je la vois descendre du comptoir et je réponds à Sebastian en même temps que je sors le reste des ustensiles et lâche mon téléphone qui glisse sur la table non loin de Tori et de ma tasse laissée à l’abandon.

Je commence à cuisiner et regarde ma petite sœur d’ores et déjà sur son ordinateur :

« Ce sont des mails pour le bar que tu fais ? Y’a une soirée de prévu ? »

Je me retourne pour la regarder et je vois mon téléphone qui vibre. Seb m’a surement répondu. Je regarde ma poele pour poser ma cuillère en bois mais quand je me retourne à nouveau pour prendre mon téléphone, c’est Tori qui l’a dans les mains. Aussitôt je m’avance vers elle en rigolant :

« Hey… Qu’est-ce qui te donne le droit de regarder mon téléphone ? P’tite curieuse ! »

Je plaisante avec elle sans penser un seul instant qu’elle puisse découvrir pour ma commotion.

Lien de la conversation SMS Seb/Freddie

Tout en savourant le café préparé avec soin par ma frangine, je m’attèle à la préparation d’un p’tit dej, digne de ce nom. Je regarde rapidement si j’ai ce qu’il faut pour faire des pancakes et des œufs au bacon et je commence à faire tout ça tout en discutant avec elle :

« Ah ouais ? Dis m’en plus ? »

Mais en ne l’entendant pas répondre, je me retourne rapidement et remarque qu’elle tient mon téléphone. Je pose tout en vitesse pour lui prendre des mains :

« Hey, donne-moi ça. »

Bordel, si Seb a répondu entre deux et que je n’ai pas fait gaffe… A sa tête, je constate que c’est ça mais telle une anguille, elle se faufile entre mes bras qui s’agitent pour attraper le téléphone et lis mes messages que je suppose être ceux de Seb. Par instinct de conservation, je recule et fronce les sourcils en me grattant l’arrière de la tête :

« C’est rien… j’vais bien… tu connais Seb… Il s’inquiète pour moi tout le temps comme moi pour lui… »

Pas cool pour moi de lui foutre ça sur le dos mais sur le coup je n’ai clairement pas réfléchit. Et puis Seb a été si addorable avec moi que je finis par m’accouder sur la table :

« Ecoutes Riri… c’est vraiment… »

Elle me tend alors le téléphone que je m’empresse d’attraper et de lire le dernier message de Seb… Je souris à ce parfait timing. Bordel j’aime cet homme et cela même quand il fait des boulettes mais en relevant les yeux vers ma petite sœur, je me rends compte que je vais devoir me mettre à table. Je verrouille le téléphone rapidement et le mets dans ma poche avant de me redresser et de me reprendre en m’approchant d’elle :

« Ouais… Bon… Écoute… J’ai eu un accident au boulot… Rien de grave mais j’ai eu une commotion à la tête et j’ai été en arrêt. Je reprends le travail ce soir. Tous les examens sont bons, j’ai plus rien et Sebastian a été un ange avec moi, il a pris soin de moi comme personne. »

J’attrape sa main de la mienne et je la regarde avec tendresse et protection comme le grand frère protecteur que je suis toujours avec elle :

« Je n’voulais pas t’inquiéter c’est tout p’tite sœur… »

Lien de la conversation SMS Seb/Freddie