Warren Cooper. Il ne tuait pas, c’était dans ses principes. Grande fut ma surprise quand j’ai apprit qu’il avait été arrêté par la police après avoir commis un meurtre. Apparemment, il avait tué pour protéger une femme. Très louable de sa part. Après, je ne suis pas de ceux qui vont juger. Moi aussi, j’ai déjà piler sur mes principes. On le fait tous à un moment ou un autre. Non ce que je n’aime pas, ce sont les dettes impayées, surtout lorsque c’est à moi qu’on doit le paiement. J’apprécie beaucoup Cooper et son excellent travail, mais j’ai une image à ne pas ternir. Déjà, Dimitri est allé rendre visite à son ancien collègue avec trois autres de mes gars. Maintenant, Warren sait que je le surveille.

Si je ne suis pas allé le voir avant, c’est parce que je sais qu’il n’a pas l’argent pour me rembourser et il me fallait du temps pour trouver ce que j’allais lui proposer. Mon aide n’est pas gratuite, et je finis toujours par être payé. C’est hier qu’une femme, une certaine Jessica dont j’avais entendu parler déjà avant, est venue me rendre visite au Rising Sun pour discuter affaires. Elle m’offrait un bon montant d’argent si j’attaquais son ex-mari, une histoire de vengeance qui m’intéressait peu jusqu’à ce que j’apprenne qu’il s’agissait du grand Henry Mitchell, un puissant dans le monde des affaires à New York. Je n’allais pas pouvoir prendre cette tâche à la légère, et je ne tiens pas à ce que le visage de Dimitri soit vu de tous. C’est donc ainsi que j’ai pensé à Warren.

Ce soir, c’est Scott qui ferme le bar – je ne laisse jamais une femme fermer toute seule, je suis un gentleman – et donc je peux partir la tête tranquille. Dimitri m’accompagne. Ensemble, on part pour aller visiter mon vieil ami. Devant sa porte d’appartement, je frappe. Vu l’heure, je me montre patient et attends que la porte s’ouvre. Warren m’accueille avec une arme qu’il pointe sur moi. Et moi, je souris comme si son arme n’existait pas. Je sais qu’il n’appuiera pas sur la gachette. Mais Dimitri est plus prudent lui. Il pointe son arme sur Warren, prêt à lui éclater la cervelle s’il ne baisse pas son arme.

« Warren, c’est un vrai plaisir de te revoir. » Mon ton est enthousiaste, mais il y a un point de provocation dans mon regard. « Si j’étais toi je rangerais mon jouet et je nous laisserais entrer avant que Dimitri se mette en colère. » Je lui fais un clin d'oeil complice, comme pour faire allusion à sa dernière rencontre avec lui.

Je ne suis pas inquiet le moins du monde. Si je meurs ici, je serai vengé aussitôt par mon fidèle acolyte qui saura exactement quoi faire par après. Le corps de Warren disparaîtra et personne ne saura jamais ce qui lui est arrivé, alors que moi j’aurai des funérailles dignes de mon nom et on pleurera ma mort. Lui, il n’aura peut-être que quelques gamins et la femme qui a interrompu mes hommes quand ils l’ont tabassés. Je lui conseille donc de baisser son arme. J’ai un sourire aux lèvres, tandis que mon ami est très sérieux, son arme pointée sur Warren. Il ne fronce même pas les sourcils. Dans son regard, il y a un brin de folie, mais surtout une grande froideur qui saurait faire frissonner les plus braves.

Warren baisse son arme. Sans grande surprise, le fait que mon acolyte se mette en colère semble faire son effet et du coup, je fais signe à mon ami de baisser son arme aussi. Warren nous laisse ensuite entrer et je passe devant Dimitri qui ferme la porte et le verrouille. Sait-on jamais si les choses devaient dégénérer, ainsi Warren ne pourrait pas fuir. En revanche, je sais que ce n’est pas son genre. Notre hôte sert trois verres de whisky, nous tendant les nôtres. Il me dit qu’il sait pourquoi je suis là et me parle immédiatement de sa dette monétaire. « Oui, je sais. » Je sais qu’il n’aura plus la main sur cet argent. Il l’avait, mais elle avait servi à payer son avocat, sans aucun doute.

Je le regarde s’asseoir et l’écoute me demander ce que je veux. Un sourire décore mon visage quand il parle de moi en disant le nom qu’on me donne dans les rues. C’est un nom que j’aime bien, je l’avoue. J’approche de lui sans m’asseoir. « Comme tu as dit, je sais que tu n’auras jamais l’argent que tu me dois. Normalement, comme tu le sais, je ne suis pas très tendre envers ceux qui ne paient pas leur dette. » La visite de mes hommes n’était rien à côté de ce que je suis capable de faire en temps normal. Je m’assois alors sur le canapé. Normalement, je serais resté debout, question d’avoir une tête au-dessus, être supérieur, mais Warren, malgré sa dette, est quelqu’un pour qui j’ai du respect, comme lui en a pour moi vu ce que j’ai pu faire pour l’aider. « Mais j’ai un grand respect pour ton travail, et ce serait du gaspillage de te réserver le même sort qu’aux autres. Je suis venu t’offrir un emploi. »

Évidemment que j’allais lui demander une chose pareille. Il aurait déjà disparu de la surface de la Terre si ça n’avait pas été le cas. Du coup, je n’ai aucune réaction quand il me dit qu’il aurait dû s’en douter. Il est plus rapide normalement, mais à force de vivre une vie un peu plus calme, plus posée, moins stressante, je ne peux pas vraiment lui en vouloir. Sa vivacité d’esprit lui reviendra bien vite. Dans quelques minutes en fait. Je vois le regard que Warren lance sur mon homme de main qui veille sur la porte et je souris en coin. J’ai toujours aimé l’effet qu’il fait sur le monde. Il fait peur, il ne fait pas se leurrer. Pas de cheveux, pas de sourcils, il est aussi intriguant qu’il effraie. Mais ce manque de poil n’est qu’un choix personnel pour lui. Ainsi, il a moins de chance de laisser une trace derrière lui.

Mon attention revient sur Warren qui me dit que je dois savoir qu’il a cessé de cogner. Il me dit parle comme si je l’avais perdu de vue une seule fois. Assis sur le canapé, je l’écoute attentivement, même si c’est totalement futile pour lui de gaspiller sa salive en ce moment. Il me regard aussi, les yeux francs. Je sais qu’il n’a aucune envie de recommencer à travailler pour moi, mais de mon point de vu, il n’a pas vraiment le choix s’il compte honorer sa dette. Quand il fini de parler, je bois une gorgée du whisky qu’il m’a servi, l’air aucunement impressionné ou embêté par son refus.

« Mettons déjà les pendules à l’heure. Je ne t’ai pas retrouvé. Je ne t’ai jamais perdu de vue. Ça me prends plus que les murs d’une prison fédérale pour ça. » Je ne suis pas un amateur. J’ai des contacts à l’intérieur. Il n’est clairement pas le seul que je connais à avoir été envoyé en prison, client ou employé. J’ai des yeux partout. « Sinon, tu as raison, j’ai vu que tu avais arrêté de cogner. Mais ce n’est qu’une question de temps. Tu as une dette envers moi, et j’ai besoin de tes services. C’est une opportunité que je t’offre. » L’air détaché, je regarde mon verre, son contenu, avant de regarder à nouveau Warren. « À ta place, je réfléchirais avant de refuser. »

Je me lève et boit une nouvelle gorgée, me promenant, une main dans ma poche, pour regarder le décor minimaliste de mon ancien employé. « Regardons ça d’un autre angle, tu veux ? » Je fais semblant de réfléchir, mais vraiment je suis venu préparé. Je sais ce que je fais. J’ai toutes les cartes qu’il me faut pour le faire plier. Je lui tournais le dos quand je me retourne pour le regarder comme si j’avais eu une idée. « La femme qui t’a sorti de la ruelle… » Je regarde alors mon homme de main. « Quel était son nom déjà ? » Il me donne alors son prénom et je souris, reposant les yeux sur Warren. « Aaah oui. Rose. Rose Elisa Taylor. » J’ai fait mes devoirs jusqu'à en connaître son deuxième prénom. Est-ce qu’il s’en doutait de ça ? « Charmante, vraiment. Tu as très bon goût. Une vétérinaire qui plus est. Passé un peu difficile, mais une femme stable, très gentille aussi. » Comment puis-je le savoir, ça ? La pauvre n’a absolument pas su que la belle gueule dans qui elle avait foncé sur la rue était le Négociant.

Je n’ai pas pour habitude de prendre non pour répondre. On ne me refuse rien. Je sais négocier, et parfois, mes négociations sous-entendent des menaces. C’est le cas aujourd’hui. J’évoque le fameux soir où mon cher ami près de la porte est allé rendre visite à Warren avec quelques-uns de mes autres employés. Warren a été aidé par une femme, et s’il pensait avoir été laissé tranquille avec elle, il s’était trompé. Il avait été suivi et il avait été surveillé depuis. Elle aussi. Rose Elisa Taylor. Aussitôt que je dis son nom, Warren devient soudainement plus tendu. Il y a cette vieille folie dans son regard, de la fureur, quelque chose de primitif, instinctif, quelque chose de violent et passionné. Il m’approche doucement alors que je lui dis que Rose est une femme charmante et gentille. Ainsi, j’insinue même que je l’ai rencontré personnellement et que j’ai même discuté avec elle. Comment saurais-je qu’elle est gentille sinon ?

La colère dans les yeux et dans le cœur, Warren investi mon espace personnel et je souris, presque amusé mais surtout, presque invitant. C’est ça que je voulais faire ressortir en lui. Je sais qu’il finira par accepter mon contrat. Il n’a pas le choix. Il a une dette. Et visiblement, l’idée que je m’en prenne à sa chère Rose le terrifie trop pour prendre le risque. Son visage près du mien, j’arrive à sentir son haleine de whisky alors qu’il menace de me tuer si jamais je touche à un cheveu de la vétérinaire. Mon regard est sombre, mais mon sourire grandissant me donne un air très dangereux. Je ne ressens aucune peur à l’égard de Warren. Je n’ai aucun doute qu’il serait capable de tenir sa promesse, mais je n’ai pas peur pour ma vie, tant que mon acolyte est là. Warren mourra bien avant moi s’il tente quoi que ce soit.

La satisfaction se lit sur mon regard. Warren est toujours cet homme qu’il était quand il travaillait pour moi. Il s’efforce d’être quelqu’un d’autre mais je sais qu’il est là, et sa menace vient de me le prouver. Il recule et va finir son verre cul-sec avant de me demander quelle est mon offre. Je souris davantage. « Que tu reprennes le boulot que tu avais auprès de moi avant, évidemment. J’ai un contrat avec une femme qui sort de prison. Une veuve noire qui veut se venger… » Je lui donne les détails sans mentionner de noms, que ce soit celui de celle qui m’engage ou celui qui doit être la victime. Je ne veux pas prendre la chance qu’il refuse et qu’il mentionne à son ami policier, le lieutenant Cassidy, que je vise le PDG de la Mitchell Corp. Ce serait du gâchis. Je ruinerais mes plans. Je préfère garder les détails pour moi en attendant qu’il accepte le contrat. « Évidemment, je peux te laisser quelques jours pour y réfléchir. Mais nul besoin de te rappeler que la patience n’est pas nécessairement l’une de mes vertus. » Du moins, pas quand il s’agit de business.

Je finis mon verre et me retourne pour m’éloigner de lui. Je n’ai aucun mal à lui tourner le dos même si ce serait facile pour lui de me tuer tout de suite. En revanche, pas certain que Dmitri apprécie énormément et le laisse s’en sortir vivant. Je m’avance donc vers la porte d’entrée où se tiens mon homme de main. Je dépose mon verre sur le plan de travail et me retourne pour regarder Warren. « Tu sais où me trouver quand tu auras une réponse à me donner. Ne me fais pas attendre trop longtemps. » Sur ces mots, je jette un dernier regard sur le décor puis me retourne. Dmitri a déjà ouvert la porte alors nous sortons et il la referme derrière nous. Ce soir, je dormirai comme un bébé sans même me soucier du cauchemar que j’impose dans la vie de Warren. Après tout, je ne fais que l’aider à exploiter son plein potentiel.